«Le moment est venu pour moi, désormais, de revenir au monde comme Français.» Sur ce qu'écrit Friedrich Nietzsche en décembre 1888 déteignent déjà, sans doute, les éclats du délire annonçant la folie. Huit ans plus tôt, il n'avait pas dit autre chose, pourtant, dans une lettre à Louise Ott: «J'ai recommencé à croire en la vie, en les hommes, en Paris, et même en moi.» Que représentait exactement Paris pour Nietzsche, ville où il rêvait de se rendre avec son ami Erwin Rohde dès ses années d'université, où il croyait trouver, avec Paul Rée et Lou Andreas Salomé (la «trinité»), la «serre surchauffée» de la liberté, et où, malgré toutes ses pérégrinations, de Leipzig à Turin, Nice, Rome, Sils-Maria ou Bâle, il ne mit jamais les pieds? En quoi était-il «français»? Plus précisément: quelle est la part de la philosophie, de la psychologie, des sciences naturelles, de l'histoire, de la politique, de la poésie, de la littérature françaises dans ce que Nietzsche a «ruminé» pour devenir Nietzsche? Et si cette part, comme celle qu'il doit par ailleurs à Jacob Burckhardt ou à Schopenhauer, est d'importance, y a-t-il risque, ou chance, de voir l'image du philosophe des cimes solitaires être remplacée par celle de «l'interlocuteur actif et passionné d'un dialogue à plusieurs voix qui s'est développé dans l'Europe de la seconde moitié du XIXe siècle», auquel participent Ernest Renan et Paul Bourget, les héritiers de Stendhal (les «rougistes») et Hippolyte Taine, ou, de façon encore plus ina
Paris by Nietzsche.
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par Robert Maggiori
publié le 27 septembre 2001 à 0h56
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