Né aux Caraïbes, éduqué en Angleterre et cherchant ses racines en Inde, pays de ses ancêtres, V.S. Naipaul, nouveau Nobel de Littérature, a toujours été tiraillé entre plusieurs cultures. Dans cet écartèlement, l'Inde joue un rôle clef, source de tous les espoirs pour un homme en quête d'Histoire, et de toutes les déceptions, lorsqu'il a pu comparer la réalité aux images de son enfance. «L'Inde m'a brisé», avait-il déclaré après son premier voyage au pays. Une déception retentissante qui s'est largement ressentie dans ses écrits d'inspiration indienne (l'Illusion des ténèbres, 1964; l'Inde brisée, 1977 ou l'Inde: un million de révoltes, 1990), souvent focalisés sur la résignation, la misère, la saleté de ce pays bruyant et surpeuplé, bien loin de l'idéal de civilisation qu'il s'était forgé. Une relation ambivalente qui a souvent agacé ses frères de sang, admirant le grand écrivain mais désespérés par sa vision si négative du pays de ses grands-parents.
Ecrivain de génie. Aujourd'hui qu'il est au sommet de la gloire, New Delhi revendique certes l'identité indienne du Nobel. «Ses écrits reflètent une profonde compréhension de l'éthique indienne», a ainsi commenté le Premier ministre Atal Behari Vajpayee, lui même poète à ses heures. Pourtant, dans les milieux littéraires et intellectuels, on est plus circonspect: «Sa qualité d'écrivain de génie est incontestée, beaucoup d'auteurs le considèrent même comme leur mentor, explique la critique Shoma Chaudhury. Mais