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Libération
Critique

Assauts périlleux.

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A l'enseigne de l'auberge des survivants, Alain Fleischer jongle avec les vertiges.
publié le 18 octobre 2001 à 1h18

Dans le troisième roman d'Alain Fleischer, on trouve page 47 une description du cunnilingus alléchante et pure: «la langue continuait de lécher cette douceur qui appartenait aussi à ce visage.» Un portrait léché en quelque sorte, une façon d'envisager le sexe, il y en a beaucoup dans le début de cet ouvrage. Mais bientôt, le narrateur nous explique qu'on ne peut quand même pas tout confondre: «le sale nous immunisait contre le laid, au lieu d'en être le synonyme.» Ce sera donc une orgie de toute beauté, un essai pour arrêter la laideur, un oeuvre d'art en somme.

Arrêter la laideur, Alain Fleischer est assez doué pour ça, lui qui écrit bellement. Dans la première partie de ce roman gigogne, le Récit de Peter ou le Pelotage et la férocité (Transylvanie), on se sent tout de suite chez lui, c'est-à-dire pas du tout chez soi, perdu nuitamment au fond d'une forêt profonde, sous un déluge combinatoire de nains priapiques et de squelettes nymphomanes. C'est dans un «taxi corbillard» que deux jeunes mariés, Peter et Marta, arrivent à l'Auberge des survivants. Là vivent d'étranges déchets humains, anciens artistes de cirque: jongleur, contorsionniste, clown triste. Ces survivants vont se joindre aux expérimentations érotiques du jeune couple, soudain atteint de rage charnelle et prolongeant sa nuit de noces pendant deux mois, les deux mois des vacances d'été. Tous deux sont universitaires, spécialistes de l'art funéraire et fascinés par la représentation des couples sur les sarcophages