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Libération
Critique

Bonjour Trieste

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Rescapé des camps nazis, Boris Pahor est la voix de la minorité slovène d'Italie.
publié le 18 octobre 2001 à 1h18

Les camps de la mort sont en lui pour toujours et hantent tous ses livres. Jamais le Slovène Boris Pahor n'a réussi à (ni voulu) tourner la page sur cette expérience première de l'inhumanité, quand il avait à peine 20 ans. «Je suis dans un cimetière silencieux dont j'ai été l'habitant, d'où je suis parti en congé et où je reviens maintenant» écrivait-il dans Pèlerin parmi les ombres (1), bouleversant récit écrit en 1966 après un retour au camp du Struhof en Alsace, où il fut détenu plus d'un an avant d'être évacué vers Dachau. Un peu plus de vingt ans plus après, il retrouve «ce camp laissé dans les barbelés comme dans un filet pour le protéger de la faiblesse de la mémoire humaine». Chassé-croisé entre le passé et le présent, le livre montre l'impossibilité de faire réellement comprendre à ceux qui ne l'ont pas vécu ce que fut l'horreur concentrationnaire. Il est comparable dans sa force aux plus grands témoignages sur les camps: ceux de Robert Antelme ou de Primo Levi. Ce dernier écrivit Si c'est un homme... peu après son retour d'Auschwitz, mais le récit ne fut réellement lu et compris en Italie que des années plus tard. Triestin de naissance, de coeur et de résidence, Boris Pahor, qui a choisi d'écrire en slovène et est reconnu comme le plus grand romancier vivant dans cette langue, n'a été traduit en italien qu'il y a cinq ans, après l'avoir été en français, en anglais, en allemand et même en espéranto.

Dans son pays, le témoignage de Boris Pahor dérange car il remue une