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Libération
Critique

Killer est-il?

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Légende et turpitudes de Jerry Lee Lewis , surnommé «Killer», passées à l'acide par Nick Tosches.
publié le 18 octobre 2001 à 1h18

Cela fait près de dix ans que des éditeurs hésitent pour traduire en France l'intimidant chef-d'oeuvre de Nick Tosches, Hellfire, publié aux Etats-Unis en 1982. On en voit tout de suite la raison: «La gloire souleva sa jupe pour le dernier fils sauvage.» «Great Balls of Fire, un disque au rythme implacable et d'une idiotie vénérienne absolument splendide...» Etc. Pas exactement la roubignolerie compilée qu'on trouve habituellement au rayon des biographies de vedettes. Le livre est écrit comme il ne pouvait qu'être écrit, gravé dans la pierre à feu de la vieille religion («fire and brimstone»), lavé à l'eau de la rédemption et génialement redégueulassé pour rendre compte de la morgue éblouissante de son sujet, et de sa non moins aveuglante vulgarité. On connaît (par divers disques plus ou moins piratés) le célèbre et bidonnant dialogue entre Jerry Lee Lewis et Sam Phillips dans le studio Sun, avant de graver à jamais Great Balls of Fire, sa chanson signature. Venant de quelqu'un qui venait de chanter à la séance précédente le lubrique «If you find a lump in your sugarbowl, it'll be me» (si tu trouves un gros morceau dans ton sucrier, ce sera moi), ces atermoiements entre droite ligne du Salut et ligne droite du succès peuvent paraître tout à fait rhétoriques, mais le livre de Tosches montre qu'il n'en est rien.

Toute sa vie, et encore maintenant puisqu'il est devenu minéral et inusable, Jerry Lee Lewis a su qu'il péchait, a souffert de pécher, et a continué de le faire avec d'