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Devenir un titre de son catalogue, quel plus beau sort pour un éditeur? Jean Echenoz publie «Jérôme Lindon».
publié le 18 octobre 2001 à 1h18

Lorsque nous apprîmes la mort de Jérôme Lindon, la plupart d'entre nous, à l'exception de très peu de très proches, le patron des Editions de Minuit était déjà inhumé, on avait retardé l'information de soixante-douze heures pour des raisons qui ne nous regardent pas. Jérôme Lindon est mort le lundi 9 avril 2001, et fut enterré le jeudi 12 en fin de matinée au cimetière du Montparnasse, dans les parages de Samuel Beckett et autres fantômes. Ainsi lorsque le téléphone sonna dans la poche de Jean Echenoz, ce jeudi même, à Trouville, alors qu'il faisait des courses avec une amie, et qu'Irène Lindon, la fille de Jérôme, lui annonça la mauvaise nouvelle, il était de fait l'un des premiers avertis.

Des journalistes, avec plus ou moins de compassion, plus ou moins de conscience professionnelle, de vergogne, cherchèrent à joindre Jean Echenoz pour, avec plus ou moins de tact et de précaution, recueillir sa réaction à la mort de son unique éditeur. Il ne fut là pour personne. Et les hommages, unanimes, de la presse à un éditeur hors du commun se rendirent sans lui. Le lundi suivant, Jean Echenoz appelait quelques-uns de ceux qui encombrèrent son répondeur téléphonique pour se faire pardonner son silence, cette désertion du chagrin. Je me souviens qu'il était inconsolable.

Six mois ont passé et l'on peut trouver en librairie un petit livre de 64 pages, sans indication de genre, avec, comme tous les livres de Jean Echenoz, le liseré bleu et l'étoile qu'avait dessinée Vercors pour les édit