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Libération
Critique

Du plomb dans la plume

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Avec, en filigrane, la question de la responsabilité des intellectuels, une étude minutieuse du procès qui conduisit Robert Brasillach devant le peloton d'exécution.
publié le 1er novembre 2001 à 1h29

Ya-t-il encore quelque chose à apprendre sur le procès de Robert Brasillach, seul écrivain français d'envergure à avoir été condamné à mort pour collaboration et exécuté à 35 ans en 1945? Oui, affirme Alice Kaplan, professeur de littérature en Caroline du Nord, et auteur de plusieurs essais sur la France contemporaine. Dans Intelligence avec l'ennemi, cette chercheuse américaine apporte des éclairages inédits à l'histoire qu'on croyait connue du brillant normalien devenu l'un des pires propagandistes de l'idéologie nazie, rédacteur en chef de Je suis partout jusqu'en août 1943 et dont le général de Gaulle refusa la grâce, malgré l'appel à la clémence lancé par de nombreux écrivains, dont Mauriac, Camus et Paulhan. Alice Kaplan rétablit ainsi dans leur ignoble intégrité les articles antisémites que publia Brasillach dès le milieu des années 30 et que censura dans ses oeuvres complètes posthumes son ami Maurice Bardèche. Elle a également retrouvé l'identité des quatre jurés appelés à décider du sort de l'accusé et dresse leur portrait, ainsi que ceux du procureur (Marcel Reboul) et de l'avocat (Jacques Isorni) qui s'affrontèrent devant la cour de justice le 19 janvier 1945. Mais elle n'écrit ni une biographie de l'auteur de Notre jeunesse ni un essai sur l'épuration. Replacé à grands traits dans le contexte de l'époque, l'essentiel de son ouvrage est consacré aux minutes du procès, très bref puisqu'il dura très exactement six heures, sans appel à aucun témoin, et se résuma, ap