Les mobiles de la diplomatie soviétique, aujourd'hui encore, demeurent obscurs: les réalistes affirment que l'URSS a d'abord défendu ses intérêts de grande puissance, les idéologues rétorquent que Moscou n'a jamais renoncé à brandir le drapeau de la Révolution. Forte d'un examen serré des archives soviétiques, une jeune historienne, Sabine Dullin, apporte du neuf.
Elle privilégie l'étude de la politique que conduisit Maxime Litvinov, en charge des affaires extérieures de 1930 à 1939. Remarquable organisateur, fin connaisseur de l'Occident il avait vécu plus de dix ans à Londres et épousé une Anglaise , Litvinov maintint son cap: s'allier aux puissances occidentales pour contrer une Allemagne qui suscitait, avant même Hitler, sa méfiance. Rétrospectivement évident, ce pari n'allait pas de soi. Patrie du socialisme en proie aux désordres, l'URSS inquiétait. Litvinov s'efforça de la faire passer pour une partenaire respectable. Les diplomates, recrutés en fonction de leurs compétences et non de leur fidélité au parti, furent invités à se vêtir de smoking. Utilisant fonds secrets et amitiés politiques, Litvinov manipula la presse pour qu'elle présente l'Union soviétique sous un jour avenant. Il se battit surtout pour qu'elle entre à la Société des nations, une tribune internationale, tout en essayant de conclure des alliances avec Londres et Paris.
Cette action réfléchie et continue se heurtaitpourtant à de sérieux obstacles. L'alliance à l'Ouest rebutait quelques dirigeants qu