Et par quoi commencer? Les écrivains imposants attirent ce genre de question. Quel est le meilleur moyen d'accéder à l'oeuvre de Cees Nooteboom, né à La Haye en 1933, par quelle face l'aborder, le versant voyages ou le versant romans? Cees (diminutif pour Cornelius) est loin d'être aussi intimidant que sa réputation. Prenons le Jour des morts, qui vient d'être traduit. Il ne s'y passe pas grand-chose. Un cameraman marche dans Berlin et dîne avec ses amis. Ils parlent des attentats du 11 septembre.
L'homme de cinéma (c'est un documentariste), qui a perdu sa femme et son fils dans un avion explosé, est obsédé par l'insondable oubli dont sont victimes les morts de l'actualité: ils passent à la télévision et à la trappe aussitôt. Son amie physicienne, une Russe, dit: «Je bois contre les faits.» Quand même, pour une scientifique, lui font remarquer les autres. Elle s'explique: «.. toute la misère du monde nous est présentée comme un fait.. elle en devient par là, justement, moins réelle .. ces faits, le spectacle de ces faits, forment la carapace qui nous en isole.» Le documentariste va plus loin, les médias ne sont pas seuls en cause: «L'ambiguïté de l'art, c'était qu'il donnait à voir la présence de l'abîme tout en tissant à sa surface une apparence d'ordre.»
Cees Nooteboom ayant écrit dans tous ses livres, dont celui-ci, que «le temps est une chose absurde», c'est ce qui autorise à avancer cette énormité, que le Jour des morts parle des attentats de 2001 alors qu'il a paru en 19