«Maintenant je suis mon cadavre, un mort au fond d'un puits»... Comme dans les grands mythes ou les polars classiques, tout commence par un crime. Monsieur Délicat, enlumineur dans le grand atelier du Sultan, meurt le crâne fracassé dans l'arrière-cour d'une maison délabrée d'Istanbul en une nuit de vent et de neige. «Bien sûr les cadavres ne parlent pas mais s'ils parlaient c'est certainement ainsi qu'ils s'exprimeraient», ironise Ohran Pamuk qui, en ouvrant son récit par ce bref monologue d'un défunt, affirme d'entrée de jeu le caractère ludique de son récit mais surtout l'artifice de tout roman historique. Cela est encore plus vrai en Turquie, où Mustapha Kemal, fondateur de l'actuelle République laïque et jacobine imposa, les caractères latins à la place de l'ancien alphabet ottoman et transforma la langue de fond en comble, au point qu'il est aujourd'hui impossible à un Turc de comprendre un livre édité il y a plus de quatre-vingts ans ou même simplement de lire les lettres de son arrière-grand-père. Reconnu comme le plus brillant des écrivains turcs de la nouvelle génération, Ohran Pamuk, 49 ans, avait déjà réussi avec bonheur à utiliser le passé ottoman dans le Vivre noir (1) en le mêlant à une intrigue policière dans l'Istanbul d'aujourd'hui. Il servait de toile de fond pour une parabole sur les relations orient occident dans le Château blanc. Ebauché il y a plus d'une décennie, abandonné puis repris avec l'expérience des romans précédents, ce dernier livre est le pl
Critique
Blasphème à l' istanbuliote
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par Marc Semo
publié le 15 novembre 2001 à 1h38
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