A l'heure du dernier bilan, sachant pertinemment qu'il ne lui restait que quelques jours de vie, dans une interview réalisée péniblement avec l'ordinateur, Mirko D. Grmek déclarait que son apport à la connaissance humaine pouvait, en définitive, se réduire aux deux mots qu'il avait introduits et que l'on retrouvait désormais dans les dictionnaires de plusieurs langues: pathocénose et mémoricide. Ce chercheur (né Croate en 1924 et mort Français en mars 2000) délimitait ainsi les deux champs dans lesquels il avait déployé une énergie peu commune: l'histoire de la médecine, sa vie durant, et le combat pour la liberté de la Croatie, les dernières neuf années de son existence. Avec la pathocénose, Grmek s'était doté d'un concept capable de définir qualitativement et quantitativement l'ensemble des états pathologiques présents dans telle population à un moment donné, ce qui permettait d'en étudier les interdépendances et de penser, par exemple, l'émergence d'une épidémie comme celle du sida. Le concept de mémoricide (appliqué à l'idéologie serbe en ex-Yougoslavie) l'aida à définir une politique qui allait au-delà de la purification ethnique pour procéder à un nettoyage de la mémoire historique elle-même. Deux livres, réunis en coffret, viennent baliser le parcours du savant et du militant: dans la Vie, la maladie et l'histoire, on lira une autobiographie intellectuelle de Grmek, suivie un texte de sa troisième femme, Louise Lambrichs; dans la Guerre comme maladie sociale, on lira
Critique
Docteur Grmek
Article réservé aux abonnés
publié le 15 novembre 2001 à 1h38
Dans la même rubrique