Yukiko sous la main de Boilet est la plus belle fille au monde, belle comme Anna Karina sous l'oeil de Godard, belle comme Maggie Cheung scrutée par Assayas. D'ailleurs, c'est à une exposition sur la Nouvelle Vague que le narrateur de cette brève histoire d'amour, un mangaka Français émigré au Japon (Boilet lui-même), rencontre Yukiko, une étudiante qui va devenir son modèle. Et, pour être complet, on peut même préciser que c'est au public du cinéma d'auteur que s'adresse Boilet, puisque, dans un manifeste publié sur son site Internet (1), il se demande (et nous avec) pourquoi la vie quotidienne, «thème de prédilection du cinéma français, et plus généralement européen (par rapport notamment au cinéma d'Hollywood), a, pendant longtemps, été absent de la BD, alors qu'il est depuis toujours le fleuron de la manga». Pourquoi tous ces braves amoureux d'Ozu et de Doillon ne liraient-ils pas en effet des BD, au lieu de continuer à croire que seule existe «la BD franco-belge qui, jusqu'aux années 90, se contentait de ressasser les mêmes univers de SF, historiques ou d'aventure» presque exclusivement destinés aux «adolescents masculins»?
Boilet n'a pas la dent tendre à l'égard de ses aînés. Mais, ce faisant, il nous rappelle que la «valeur» esthétique d'une oeuvre n'est que la somme relative des discours tenus à son propos. Il remarque ainsi que, pour apprécier Moebius, «il faut une culture et une nostalgie particulières (...), à la fois une culture de la BD, une culture "de Moebius",