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Critique

Quichotte et ses frères

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Dévoré par la gloire de son chevalier à la Triste Figure, Cervantès est aussi l'auteur de nouvelles et d'un roman exemplaires, qui rejoignent le Quichotte dans une nouvelle édition de la Pléiade.
publié le 15 novembre 2001 à 1h38
(mis à jour le 15 novembre 2001 à 1h38)

La mort de Don Quichotte fait pleurer les cailloux. Mais, pour ne pas les noyer, Cervantès l'annonce au débotté, comme une affaire secondaire: «Celui-ci, au milieu des pleurs et des larmes des assistants, rendit son âme, je veux dire par là qu'il mourut.» Celle de l'écrivain a été aussi bien préparée: il l'a mise lui-même en scène, ou plutôt en texte. La nouvelle édition de ses oeuvres romanesques complètes dans La Pléiade nous permet d'y assister. On est en avril 1616. Cervantès a 68 ans, sans doute le diabète. Il n'a plus que six dents (tordues) et il sait qu'il va mourir. Il a publié en 1613 ses Nouvelles exemplaires. Il a achevé, un an plus tôt, le second livre de Don Quichotte. Sa renommée est européenne. La première partie du Quichotte est déjà traduite en français. Il boucle maintenant son roman d'aventure, les Epreuves et travaux de Persilès et Sigismunda.

Ce livre fou était tombé dans l'oubli. Il fut traduit au XVIIe siècle par François de Rosset, traducteur du deuxième livre de Don Quichotte (1). Maurice Molho, en 1994, en avait publié une nouvelle version chez Jose Corti. Mais le texte ne figurait pas dans la précédente édition de La Pléiade, celle de Jean Cassou, de 1946. Sa qualité et son statut funéraire justifient sa place dans la nouvelle édition dirigée par Jean Canavaggio: Persilès réalise la belle mort de Cervantès. L'écrivain l'a mûri et souvent annoncé. En 1613, dans le prologue des Nouvelles exemplaires, il le décrit «comme un livre qui s'enhardit à riva