Revenir à Marx, relire le Capital: ces tâches sont-elles imposées par l'époque? Le philosophe Alain Bihr le pense en tout cas, qui, dans son imposante Reproduction du Capital, propose de reprendre Marx pour développer une lecture rigoureuse et critique du monde contemporain, avec l'objectif de fournir les prolégomènes à «une théorie générale du capitalisme».
Les crises (économiques, politiques, écologiques, symboliques) s'accumulent, creusant un vide qui témoigne de «la réalité catastrophique du capitalisme contemporain». Confronté à cet état de fait, qui rend l'étude de Marx nécessaire, Alain Bihr déploie sa réflexion selon un double enjeu: d'une part «rétablir la critique radicale de la réalité actuelle dans ses droits», et, d'autre part, procéder tâche urgente à une «critique du capitalisme contemporain». Comme l'a fait Marx en son temps, en s'appuyant sur lui, en le précisant et en le rectifiant, s'il le faut.
Contre «la forme dogmatique du marxisme», contre le scientisme qui en a fait un modèle méthodologique dans les sciences sociales, Alain Bihr en appelle à une reprise de cette oeuvre qui la restituerait dans sa fécondité. «Marx nous a laissé un chantier», dit-il. Par suite, cette restitution ne sera pas «celle d'un système, mais celle d'un devenir».
L'auteur repère chez Marx un modèle général d'intelligibilité: la définition de la réalité sociale comme praxis (autrement dit comme autoproduction de l'humanité à travers la production de sa vie matérielle). Ce process