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Libération
Critique

La caméra explose le temps.

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Comment, à partir du cinéma, l'industrialisation planétaire de la mémoire règle les consciences à l'heure américaine.
publié le 22 novembre 2001 à 1h42

Ce n'est certes pas une médisance de dire que Bernard Stiegler continue à écrire ­ avec le Temps du cinéma et la question du mal-être ­ toujours le même livre. C'est vrai même à la lettre, car non seulement ce troisième volume de la Technique et le temps fait suite à la Faute d'Epiméthée (1994) et à la Désorientation (1996) parus chez Galilée, mais il pourrait fonctionner comme introduction aux deux volumes qui l'ont précédé. En effet, Stiegler n'est pas un adepte des temps linéaires, et l'oeuvre qu'il bâtit peu à peu sur la constitution du temps humain dans sa relation originaire avec la technique, est prise sans cesse dans la temporalité de son auteur. Né en 1952, ancien professeur à l'université de technologie de Compiègne, Bernard Stiegler est un philosophe que ne rebute pas la gestion. Aussi a-t-il été pendant trois ans (1996-1999) responsable du département Innovation de l'INA (Institut national de l'audiovisuel) et, depuis avril 2001, directeur de l'Ircam (Institut de recherche et de coordination acoustique-musique) au centre Georges Pompidou.

Kant ne savait ni que la conscience fonctionne comme du cinéma, ni qu'un jour puisse exister quelque chose comme le cinéma ­ que la critique kantienne de l'entendement pourtant présuppose. Heidegger le savait en revanche, et voyait bien que le cinéma était l'un de ces «objets temporels» qu'avait commencé à théoriser son maître Husserl, mais il ne lui a fait aucune place dans sa pensée de l'être. Vivant à Hollywood au cours de leu