Autant les Oeuvres complètes d'un auteur ont aujourd'hui le vent en poupe, autant les extraits ont mauvaise réputation. Ils dénatureraient le texte qu'a voulu l'auteur en ne nous offrant qu'une lecture déjà faite par quelqu'un d'autre. Ce n'est pas faux. Pourtant, dans un cas comme Saint-Simon dont l'intégralité des Mémoires couvre huit volumes de la Pléiade, on voit une légitimité de commodité à l'entreprise consistant à n'en publier qu'un peu moins de 400 pages mises en situation. A juste titre, personne ne s'indigne, d'une part parce qu'on est déjà habitué au principe pour des livres où il est plus contestable, d'autre part parce que ces extraits sont censés donner envie de lire le tout, même si la crainte d'avoir eu le meilleur au début peut restreindre le désir d'y voir plus loin. Il n'y aurait que les érudits, ou les vrais amateurs de littérature, ce qui ne fait pas grand monde, pour se coltiner les Mémoires en entier.
Que ne donner à en lire que des extraits défigure un texte, c'est incontestable. Mais ne pourrait-on en dire autant d'OEuvres complètes? Elles assimilent des textes de jeunesse aux livres auxquels l'écrivain a consacré sa vie, elles ont un effet aplanissant sur l'ensemble de l'oeuvre, comme si, par une étrange démocratie littéraire, tous les textes étaient égaux, elles transforment des fragments en partie d'un tout, construisant une totalité imaginaire à laquelle chaque oeuvre est soudain intégrée. Mallarmé n'a évidemment pas écrit Un coup de dés jamais n