Ingrid a pris son courage à deux mains, et le micro avec: «Comment avez-vous fait pour vous mettre dans la peau du petit Muhammad dans votre poème?», demande-t-elle à Mahmoud Darwich, le célèbre poète palestinien. «Ce n'est pas moi qui ait écrit ce poème, c'est le sang de cet enfant. Tout ce que j'ai fait, c'est être une caméra. (...) A un moment, j'ai eu l'âge de cet enfant et j'ai ressenti la peur moi aussi, à peu près au même âge, quand j'ai été chassé de Palestine en 1948 par l'armée israélienne. Pour me préserver comme poète, je préserve mon enfance. Apprenez la peur, apprenez l'amour avant la peur. Apprenez que la terre nous est commune, que l'avenir nous est commun. J'espère que vous préserverez votre enfance, une enfance commune sur la terre commune.» En face de lui, cinq classes de collèges et lycées de Seine-Saint-Denis étaient réunies hier. Derrière lui, un écran grâce auquel des élèves du collège Ibrahimieh de Jérusalem-Est suivent l'échange en visioconférence.
Tous ont lu et étudié en classe Muhammad, le poème de Darwich sur le jeune Mohamed al-Doura, tué à Gaza dans les bras de son père et en direct à la télévision durant les premiers jours de l'Intifada. «Muhammad/ sang superflu pour la quête des prophètes/ Monte donc au Jujubier céleste/ ' Muhammad!» A part deux ou trois lascars au fond, le public est concentré, attentif malgré le brouhaha permanent qui résonne au sous-sol du hall d'exposition flambant neuf, inauguré cette année pour le Salon de Montreuil.
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