Le métier d'ingénieur papier n'est pas répertorié dans les classeurs de la sécurité sociale. Jérôme Bruandet qui l'exerce depuis 1990 au sein des éditions du Seuil Jeunesse, rayons «livres objets», a dû s'inscrire sous l'intitulé «illustrateur». Le subterfuge éveille la curiosité, quelle est cette profession qui se soucie si peu de l'état de santé de ses préposés? Les explications de l'intéressé sont à la fois techniques et d'une grande simplicité. Il s'agit de plier des papiers, de telle sorte que l'histoire de l'auteur, les images de l'illustrateur, s'expriment en relief, alors que le très jeune lecteur pourra déplier, tordre, jeter, mâchouiller, improviser toute sorte de jeux avec l'objet, sans pour autant le pulvériser (fût-il expert en Soto Makikomi, la passe imparable des adeptes judoka). L'enjeu sera donc d'en garantir, sans nuire à la fantaisie, la solidité, par le biais d'insertions invisibles de papier Scotch à double face, charnières renforcées, etc. L'éditrice Fani Marceau, très impliquée dans chacun des projets, souligne l'intérêt (créatif et commercial) d'avoir un ingénieur papier maison et le décrit ainsi: «On lui pose une question, il ne répond pas, s'en va et revient trois jours plus tard avec une maquette toute blanche»: le corps du livre, un peu du coeur aussi. Avant, il y aura donc eu, pour cet Harpo de l'édition, une réflexion sur le grammage du papier, les liens, les coins, les trous, les vides, les pleins, les espaces... ainsi qu'une quantité de pliage
La vie dans les plis.
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par Corinne JULVE
publié le 29 novembre 2001 à 1h46
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