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Libération
Interview

Pef en terrain miné

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Quand l'auteur-illustrateur du prince de Motordu s'en prend aux jouets piégés et aux mines antipersonnel.
publié le 29 novembre 2001 à 1h46

Une robe vermillon col Claudine, des socquettes blanches et des chaussures noires aux bouts arrondis, les cheveux paille et le regard bleu un peu fixe, la poupée qui nous parle est un jouet presque parfait. Mais, on le découvre à l’usage, elle est conçue pour exploser. Après Je m’appelle Adolphe et Zappe la guerre, l’auteur-illustrateur du désopilant Prince du Motordu retrouve le registre des graves.

Comment avez-vous pu concevoir un tel projet?

J’écoutais l’émission de Daniel Mermet, Là-bas si j’y suis, l’information a été lapidaire, en Tchétchénie, des jouets cachaient des mines antipersonnel. La nouvelle venait s’ajouter au catalogue des horreurs, au déshonneur de l’espèce humaine auquel je suis très attentif.

On n’a pas tenté de vous en dissuader, vous-même n’avez pas douté?

Non. Je n’ai pas non plus cherché à approfondir la vérité, ni à me documenter. Je me suis intéressé au principe selon lequel des gens, des papas, imaginent, créent, diffusent, vendent, répandent ces mines.

Justement vos «papas» sont assez terribles car ils ne font pas peur, ils ont des têtes de «Monsieur-tout-le-monde».

Ils ont des têtes d’ouvriers dans les arsenaux. Ce sont des manutentionnaires, pas des méchants. Avant qu’on signe la convention qui interdit les mines antipersonnel, c’est Ruggieri, celui qui produit le plus grand nombre de feux d’artifice en France, qui en fabriquait, ce n’est pas quelqu’un de méchant. L’humanité entière est ambiguë. Quelque part, quelqu’un décide ce genre de choses et on ne peut pas le réduire à une espèce d’ogre. On n’est plus dans les contes de fées sinon on refroidit le propos, ni dans la fable, on perdrait en efficacité. La rencontre d’un jouet et d’une arme c’est un terrible accident de