Menu
Libération
Critique

Amours débridées.

Article réservé aux abonnés
La vie d'un Don Juan nippon par Saikaku, artiste du «monde flottant» au XVIIe siècle .
publié le 6 décembre 2001 à 1h52

«Martyre de l'amour jusqu'à l'âge de 54 ans, il s'ébattit avec 3 742 femmes et folâtra avec 725 garçons...» nous dit Ihara Saikaku de Yonosuke (c'est-à-dire l'Homme du Monde), le héros de L'homme qui ne vécut que pour aimer, récit qui fut un best-seller à Osaka en 1682 avant de devenir un des classiques de la littérature japonaise. Yonosuke est le cousin nippon de Don Juan, qu'il bat d'ailleurs haut la main, si on ose dire, puisque da Ponte n'a crédité le séducteur sévillan que de 2 064 conquêtes. Le richissime bourgeois d'Osaka comme l'aristocrate andalou vivent d'amour à en mourir. Le sexe est pour eux un voyage d'exploration sans fin, dans un monde qui n'est peut-être au fond qu'un vaste lupanar dont l'unique ressort est le désir, et où les femmes ­ séduites, violées, achetées ­ ne sont que fleurs dont il faut jouir avant que ne se fâne leur beauté fragile.

Saikaku conte en 54 chapitres la vie de Yonosuke, de l'âge de 7 ans (âge où «il s'éprend d'une servante «) à 60 ans, âge canonique du cycle bouddhique, quand il s'embarque pour la mythique «Ile des femmes à bord du bateau Volupté» qui battait pavillon de crêpe écarlate, à lui laissé jadis par la taiyu (courtisane) Yoshino. Sa cargaison comprend «cinquante jarres de stimulants, vingt boîtes d'aphrodisiaques féminins, trois cent cinquante boules tintinnabulantes... deux mille cinq cent phallus en corne de buffle, trois mille cinq cent d'étain et huit cents de cuir, deux cents images érotiques...» La différence entre Don J