Le 26 septembre 1989, dans ses pages «société», Libération consacrait toute une page à «Victor Dojlida, 64 ans dont 40 derrière les murs», c'était le titre. Le sous-titre expliquait que, le matin même, l'homme était sorti de la prison de Poissy dont il était le plus vieux pensionnaire, condamné à de lourdes peines pour «deux braquages chez les collabos». L'article relatait une rencontre, quinze jours auparavant, durant laquelle Dojlida avait raconté sa vie. Une photo le montrait, très jeune, très beau, «après son retour de déportation en avril 1945» disait la légende, peut-être fautive. L'article était signé Alice Jansen. Qui est Alice Jansen? Au journal, personne ne se souvient d'elle. Un pseudonyme?
Michèle Lesbre a lu cet article, elle ne semble pas avoir contacté cette mystérieuse Alice Jansen, mais tout de suite elle a écrit à Homécourt, où, pensait-elle à la lecture de l'article, Victor Dojlida était revenu vivre. Elle voulait le rencontrer. La lettre finit par lui parvenir en région parisienne où il était assigné à résidence. Il répondit, prenant Michèle Lesbre pour une autre, une amie d'enfance. Un déraillement du temps comme on en croise dans les romans de Michèle Lesbre, noirs mais nullement policiers, où l'enquête est d'abord identitaire. Ils se virent, se revirent avec entre eux un magnétophone bientôt remplacé par une «amitié affectueuse». Et puis Victor Dojlida tomba malade, mourut. C'était il y a quelques années.
Aujourd'hui Michèle Lesbre publie Victor Dojlida,