Parce que la page de garde annonce une biographie, on s'attend à suivre pas à pas la vie publique et privée de la journaliste Séverine (1855-1929), pourfendeuse des injustices, infatigable avocate des opprimés, qu'ils soient ouvriers, femmes, noirs, arméniens ou dreyfusards. Mais c'est une autre option que l'auteur a choisie: désireux de s'effacer derrière les paroles retrouvées de «l'insurgée», il invite à une lecture d'articles sélectionnés parmi 6000 écrits dispersés dans près de cent périodiques: de son premier papier dans le Cri du peuple collaboration qui placera toute sa carrière sous la figure tutélaire de Vallès à son dernier cri d'alarme contre la montée du fascisme. Lecture orientée donc par le choix des textes retenus, plus que dirigée.
L'auteur, s'il intervient parfois au milieu même d'une citation, contextualise au minimum les interventions de Séverine. Le contact direct avec l'archive domine, au risque de laisser parfois le lecteur non-historien démuni pour saisir la complexité de cette femme et de ses engagements: elle flirte avec le boulangisme, opte pour une collaboration large avec les journaux, au risque d'apposer sa signature à côté de celle d'un Drumont; elle défend la cause des femmes mais s'arc-boute à des modèles bien conservateurs de la «féminité» qu'elle-même, électron libre dans un monde masculin où elle fait figure d'exception, ne respecte pas. Profondément antiparlementaire, elle sympathise avec les anarchistes. Elle fustige à ce titre l'évolu