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Dernier bouillon de Kultur

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Le Pivot allemand, Marcel Reich-Ranicki, vient de faire ses adieux à la télévision . Peter Sloterdjik prépare à la place un quatuor philosophique .
publié le 20 décembre 2001 à 2h01

Berlin de notre correspondante

Il est près de minuit, vendredi dernier, quand, encore une fois, Marcel Reich-Ranicki s'empare des Souffrances du jeune Werther et relit l'épilogue: «On craignait pour la vie de Lotte. Des artisans portèrent le corps. Nul prêtre ne l'accompagna.» Trois fois, il relit les trois phrases, fasciné: «Ces phrases courtes, ce style, mais c'est Hemingway!, s'exclame-t-il. C'est un roman pionnier que Goethe a écrit là. Des romans de ce niveau, ce n'est qu'au XIXe siècle qu'il s'en est écrit ensuite!»

D'enthousiasme, Reich-Ranicki se frappe la cuisse, puis s'interrompt: «Voilà! C'est fini!» Le rideau tombe sur le Literarische Quartett, la plus célèbre émission littéraire de la télévision allemande.

Marcel Reich-Ranicki semble content de son effet: «Goethe a eu le dernier mot», comme il le voulait. Après treize années, au rythme d'une émission tous les deux mois, soit 77 émissions et quelque 400 livres lus et commentés, Marcel Reich-Ranicki et son quatuor de trois autres critiques littéraires ont mis fin au grand tribunal de la littérature allemande. Un Apostrophes encore plus étonnant que l'ancienne émission de Bernard Pivot puisqu'ici, les quatre discutants n'étaient pas des écrivains, mais quatre critiques littéraires qui, passé 22 heures, attiraient parfois jusqu'à 1 million de téléspectateurs, avec une moyenne de 600 000 fidèles au poste, rien qu'en devisant de littérature. Le phénomène était si important en Allemagne que pour sa dernière, l'émission a