C hristian Bachelin est un poète solitaire à l'écart des cénacles et des coteries. Un écrivain dont la vie a été une suite de petits boulots dont l'un des plus inattendus est accordéoniste de bals populaires. Roi du tango et du paso doble mais aussi amateur éclairé de jazz et de blues, Bachelin fut remarqué par Jean Rousselot qui l'amenait dès 1965 à publier ses poèmes chez Guy Chambelland. Son oeuvre en prose dort depuis plusieurs années dans sa malle aux manuscrits. Après Soir de la mémoire publié par Méréal en 1998, Zulma a exhumé Y seul, un long monologue que Bachelin conjugue à la seconde personne, un roman hallucinant qui conjugue le monde nervalien à l'univers fantastique de John Cowper Powys.
« Au bord du temps», Y seul est une variation sur le mythe de Tristan et Iseult. L'aimée a pour nom Jonquille, une fiancée du nord et de novembre, et le Morohlt que doit combattre Tristan est lui-même. La dépression, le soleil noir de la mélancolie vont transformer peu à peu ce livre en un impossible voyage pour un Tristan prolétaire qui a troqué son destrier contre une mobylette bleue. Tout le roman se déroule en lisière de la grande forêt médiévale, dans un village picard au bord de l'Oise où l'industrialisation anarchique juxtapose vies rurale et ouvrière. C'est là, entre deux mondes, que le narrateur revient chez ses parents en quête de son amour et de lui-même.
Il y a la cuisine de sa mère avec «ses carreaux de papier adhésif, imitation Delft», ses rideaux en macramé dont les