Les rois catholiques d'Espagne sont rangés dans des tiroirs de marbre, au sous-sol du monastère de l'Escorial, près de Madrid. On accède à cet obsédant caveau en sous-sol par un escalier long, étroit, taillé dans une pierre qui dégage sa propre lumière. La mort est partout présente, partout vivante. Elle est sculptée. La monarchie espagnole ne semble avoir existé que pour aboutir là, dans cet espace pensé avec une infinie précision.
Le Mausolée des amants, journal sans date d'Hervé Guibert, s'étale sur quinze ans et ressemble à ce panthéon. Il a été presque entièrement élagué et retravaillé par l'auteur avant sa mort, à 36 ans, le 27 décembre 1991. Ce n'est pas un journal posthume trouvé dans un placard, une masse morte dans laquelle il aurait prélevé de quoi écrire ses autres livres. C'est bien la dernière oeuvre et l'une des meilleures composée par lui de son vivant. Il a le sida. Il sait qu'il est en train de mourir. Il réinterprète sa vie entière, dont son journal porte la trace minutieuse, à la lumière d'une fin qui résonne comme une prédestination.
Il le fait aussi à la lumière d'une histoire d'amour qui traversa ces années-là: celle qu'il eut avec T., le difficile et magnifique amant perpétuel dont il écrit: «Sa beauté pulvérise mon soliloque.» Guibert a eu plusieurs amours au long cours. La surexposition de T. dans ce livre final n'est pas un hasard: leur histoire symbolise la tension que l'auteur mit dans tous ses rapports, cette «coïncidence de la méchanceté et d