Jane Avril, célèbre modèle de Toulouse-Lautrec, ne fut pas une simple danseuse de café-concert. Elle fréquenta Alfred Jarry, qui la fit figurer dans son Faustroll, se produisit au Théâtre de l'OEuvre et fut aimée d'Alphonse Allais. C'est pour toutes ces raisons tant pataphysiques que poétiques que François Caradec est entré dans la danse et propose le récit de l'existence de celle que l'on surnommait La Mélinite.
L'expression qui dit que la vie est un roman prend ici son sens, car la vie de Jane Avril, de son vrai nom Jeanne Louise Beaudon, est digne d'un feuilleton naturaliste. Elle naît à Belleville le 9 juin 1868 d'une mère «modiste», profession qui désignait aussi à cette époque les «horizontales». Son père d'origine italienne ne tardera pas à s'éclipser. Battue par sa mère qui voudra plus tard la prostituer, elle trouve refuge dans une institution. Malade des nerfs, atteinte de chorée ou selon l'expression courante de «danse de Saint-Guy», elle se retrouve à la Salpêtrière chez le professeur Charcot. Le pavillon des hystériques fut son second foyer, c'est là, au cours de fêtes et de bals hospitaliers, qu'elle révèle son génie de la danse. Elle ne fit pas d'autre apprentissage. Guérie, ne gardant comme séquelle qu'«un curieux froncement des narines qui fait frissonner son nez comme un lapin», elle hante les bals de Paris et surtout le plus endiablé: le bal Bullier. Jane Avril va vivre «à la colle». «Femme enfant», elle fascine le Boul'Mich des écrivains et des artistes c