Il y a cet homme, originaire d'Alsace-Lorraine, qui s'appelait Lagarde et qui, au gré des conflits entre l'Allemagne et la France a été renommé Wache, Vache, Kuhe, et finalement Ku. Il y a aussi cette femme qui vivait en Sardaigne au XVIIe siècle et qu'on appelait Dominiga Delogu Foj Guiso Tolu Vedele. Comme beaucoup de ses voisines, elle accumulait dans son identité trois noms de la lignée maternelle et deux de la lignée paternelle. A l'époque, en Sardaigne, le nom de la mère était plus souvent transmis que le nom du père. Il faudra attendre le XVIIIe pour que l'île adopte un système patrilinéaire. Mais pas totalement: le système de filiation reste «jusqu'à nos jours, marqué par une sorte de turbulence onomastique» (1), explique l'historienne Gianetta Murru Corriga.
Le patronyme est un passionnant ouvrage collectif qui réunit les contributions de sociologues, démographes, historiens et même généticiens, puisque le patronyme, transmis comme le chromosome Y, par le père, est aussi un outil de génétique des populations qui permet de «suivre les migrations», explique l'anthropologue Pierre Darlu.
En découvrant les liens de parenté dans la vallée d'Azgour au Maroc ou l'étonnante répartition des patronymes dans la petite île de Bornholm au Danemark (les Pedersen n'habitent jamais au même endroit que les Petersen), on comprend que le patronyme «identifie une filiation et donc une identité temporelle», mais aussi une appartenance à une région et à une culture. On apprend que la Chine