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Libération

Le zoo pensant

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Il est partout, dans les basses-cours, les jungles, les rues, les maisons, les mythes, les religions, les oeuvres d'art, les contes et la philosophie. Mais saura-t-on jamais dire ce qu'est un animal?
publié le 3 janvier 2002 à 21h34

Elle ne put bénéficier, en ses derniers instants, du réconfort d'un prêtre. Mais on lui accorda le droit d'être assistée d'un deffendeur, qui n'eut pas la tâche facile. La sentence de mise à mort lui fut signifiée dans sa geôle, par le vicomte de Falaise lui-même. Les gardiens furent dûment payés, ainsi que les charpentiers, les maçons, et les autres corps de métier qui avaient installé l'échafaud ou préparé les instruments du supplice. Le bourreau reçut «dix sous et dix deniers tournois pour sa peine», ce dont il se dit «bien content». A l'exécution, on convia la population. On invita les paysans à venir accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, mais aussi de leurs porcs, afin que le spectacle «fasse enseignement». Par des documents d'archives judiciaires, on sait que la victime était «habillée d'une veste, d'un haut de chausse, de chausses aux jambes de derrière, de gants blancs aux jambes de devant».

Elle avait commis un horrible «mesfet»: dévoré le bras d'un enfant et une partie de son visage, «tel qu'il en mourust». Mais son châtiment le fut tout autant, horrible: on lui coupa le groin et on la pendit par les jarrets à une fourche de bois jusqu'à ce que tout son sang s'écoule, puis on l'attacha sur une claie et on la fit traîner par une jument. Les restes du pauvre animal furent placés sur un bûcher et brûlés. En l'église de la Sainte-Trinité, on fera plus tard exécuter une grande peinture murale pour garder mémoire de l'événement. C'était en Normandie, au début d