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Interview

« Portemanteau : lourd à porter »

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Entretien avec Guy Brunet, du Centre d'études démographiques (CNRS-Lyon). Il est un des trois codirecteurs de l'ouvrage.
publié le 3 janvier 2002 à 21h34

Comment vous êtes-vous intéressé aux patronymes? Je travaillais sur les enfants abandonnés de la région lyonnaise aux XVIIIe et XIXe siècles ­plus de 1000 enfants par an à l'époque­ et je me demandais comment on nommait quelqu'un qui n'avait pas d'identité familiale. En regardant les milliers de noms donnés par les institutions charitables qui accueillaient ces enfants, j'ai découvert qu'on observait deux comportements. Le premier était de donner un nom aussi anonyme que possible, un de ces noms normaux qui passent inaperçus dans la région: Girod, Colomb, Leclair... Si l'enfant survivait, il se fondait dans la société sans que rien ne le marque. Le second comportement, minoritaire, consistait à donner des patronymes tout à fait spécifiques. On choisissait des prénoms ­Jean ou Pierre­ ou encore des noms de mois: Janvier, Avril... Mais c'étaient parfois des noms plus lourds à porter comme Table ou Portemanteau. Les personnes chargées de nommer les enfants choisissaient ces noms abominables pour exprimer leur mépris, pour se défouler, tout en sachant que ça ne porterait pas à conséquence. On ne nommait ainsi que les enfants trop faibles pour survivre plus de quelques heures.

A quoi sert un patronyme?

Si vous voulez désigner quelqu'un, il faut vous être mis d'accord sur un nom. Tant que la communauté est réduite et que chacun connaît son voisin, on peut se contenter d'un prénom. Dans une société qui compte des milliers d'individus, ça ne marche plus. Au Moyen âge, pour distinguer