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Libération
Critique

Verne dans son élément

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Les «Voyages extraordinaires» sous le signe de l'air, de l'eau, de la terre et du feu et une relecture du romancier, explorateur d'un monde placé sur la carte du rêve.
publié le 3 janvier 2002 à 21h34

Jules Verne est né dans une île, l'Ile Feydeau, à Nantes. Il a grandi au spectacle de l'incessant trafic des bateaux de commerce ayant fait la fortune de cette ville dont il gravissait aux vacances la colline de Chantenay: il s'isolait, sur le toit de la maison de sa tante, dans une sorte de nacelle qui lui procurait l'ivresse aérienne tant recherchée, plus tard, par ses héros. Le feu très tôt dévorant d'une sexualité fortement réprimée peut certainement être considéré comme le quatrième élément ayant présidé à sa création, ainsi que le suggère une très habile compilation de seize de ses plus fameux Voyages extraordinaires, par Claude Aziza, (deux autres recueils sont à venir).

On ne saurait évidemment sous-estimer les influences littéraires exprimées par Verne dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, et que cite Christian Robin, autre vernien d'importance, en postface à l'Oncle Robinson, un roman oublié daté de 1861, constituant le chaînon manquant entre les oeuvres de Daniel Defoe, le Robinson suisse de Wyss et les débuts de notre auteur. Edgar Poe, celui du conte Mellonta Tauta, récit d'un voyage dans les airs, est aussi à invoquer pour la genèse de Cinq Semaines en ballon, premier roman publié par Verne chez Hetzel en 1863. L'anglophilie très grande, inlassable, d'un écrivain par ailleurs très français, voire même franchouillard, épris de jeux de mots à tiroirs qui décidèrent plus tard de la carrière de Raymond Roussel, serait peut-être l'élément décisif de sa fiction