Voici «la belle Margarethe qui avait toujours été si courtisée, qui savait dessiner et chanter et danser, qui voulait étudier l'art dramatique et qui, en fin de compte, n'avait réussi qu'à devenir une employée de bureau plaquée, avec une dépression nerveuse.»
De claque en échec, la belle Margarethe s'est mise à boire, avec son amie Renate. Deux jeunes dames un peu échouées, qui piquent du nez avec grâce, dans des ivresses fruitées, cherry plutôt que schnaps. De l'alcool cher, qui passe mieux, qui est mieux vu. «Nous avions sifflé un verre, mais vraiment un seul deux maximum.»
Par dépit, Margarethe s'est mariée à un homme, gentil, beau garçon, et qui épie son haleine en lui baisant la joue le soir. La fille qu'ils ont eue ensemble, Daniela, est une ombre pas nette, qui d'ailleurs ne lui ressemble pas. A l'hôpital, quand on lui a amené l'enfant la première fois, au lieu de mouiller les yeux, Margarethe a cru à une erreur, celui-ci doit venir de la couveuse d'à côté, non? Il y a sa belle-mère aussi, avec eux, une vieille fraîche, bourrée de bonne humeur. Après dîner, ils jouent aux cartes. Ou regardent la télévision. Ou vont au club de bowling.
Elle en est là, Margarethe, ou madame Sartoris, comme dit l'écriteau attaché à son mariage branlant. Et elle le doit aux hommes qu'elle a aimés, les autres, ceux qu'elle n'a plus, ceux qui n'ont pas été à la hauteur, ni de ses rêves pépiants d'adolescente (Philip), ni de ses espoirs plus farouches de femme (Michael). Elle est laminée, ses