On a tous en nous un petit quelque chose d'Esterhàzy. Cette chanson, bien des Hongrois d'avant-hier, d'hier et même d'aujourd'hui l'ont fredonnée. «Qui saurait passer en revue toutes les douces mélodies qui résonnaient chez les Hongrois d'autrefois lorsqu'ils prononçaient le nom d'Esterhàzy», écrit Péter Esterhàzy au coeur de son nouveau livre, Harmonia Cælestis, à la fois le meilleur de ses livres et la symphonie orchestrée de ceux qui l'ont précédé. Avec le Livre des mémoires de son ami Péter Nadas, c'est l'autre grand livre que la Hongrie nous a donnés ces dix dernières années. D'ailleurs c'est aussi, à sa manière (fantasque, trouée et douée en mentir-vrai), le livre des mémoires des siens que vient d'écrire le dernier rejeton de la famille.
Le nom Esterhàzy se confond avec l'histoire de la Hongrie comme aucun nom de famille de notre histoire de France. «Dans l'imaginaire hongrois, le nom de mon père incarnait tout ce qui pouvait faire de la vie un paradis sur terre», écrit Péter. Rien étonnant à ce que le régime communiste ait pris grand soin d'en effacer les traces, changeant ainsi Esterhaza, la plus célèbre des demeures familiales, en Fertöd. Dans une Petite histoire de la Hongrie publiée aux éditions Corvina à Budapest en 1989, à la lettre E on trouve bien un Erik le rouge, explorateur norvégien, mais pas le moindre Esterhàzy. Le grand-père de l'écrivain avait cependant été Premier ministre du pays, l'ancêtre des ancêtres, Miklos, fut vice-roi de Hongrie en 1625 et che