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Libération
Critique

Tous les Martin du monde.

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Sous le prénom transparent de Martin, l'enfance autobiographique du Suédois Harry Martinson (1904-1978).
publié le 10 janvier 2002 à 21h38

Il était une fois, en Suède, deux frères et une soeur, Olav, Wilgot et Hanna, qui riaient comme trois bons gros géants, car Olav était de retour de l'autre bout du monde: «A voix basse, ils faisaient surgir le souvenir du fin fond des temps, ensemble ils le faisaient monter jusqu'au sommet de la pyramide du rire. Hoho, hohoho, ah! comme c'était dans ces temps-là! Même les douleurs.» C'était en 1894. Seize ans plus tard, personne ne rit plus, Olav qui meurt laisse sa famille en faillite. L'autobiographie d'Harry Martinson (1904-1978) ne rit plus non plus. Même les orties fleurissent s'arrache à la légende, la mère fiche le camp, Inez la soeur aînée meurt aussi. Les quatre enfants qui restent sont mis aux enchères, trois soeurs et le petit frère. Place à Martin, pauvre Martin, pauvre misère.

Martin, 7 ans, pupille de la commune, part donc avec son balluchon: «Des âmes charitables lui montrèrent un chemin qui s'enfonçait dans les bois.» Il va aller de ferme en ferme. Dans la première, il n'a pas froid; dans la seconde, il apprend à se tenir. Il n'y a que du manque d'amour. Il s'enfuira à 12 ans de la troisième ferme, et finira son enfance dans un hospice de vieux. La commune donne de l'argent aux fermiers, en échange de quoi on est nourri, logé, battu. Ces orphelins vont à l'école comme «les vrais enfants», Martin n'est pas un âne. Martin: figurine au bout de la plume qui la façonne, la tient à distance, comme font les enfants qui se promènent avec leur double, partenaire invisi