Données brutes. Un père qui la bat. Qui flingue sa mère devant elle. Avant de se suicider. Elle a 10 ans. Adolescence caractérielle et dépressive. Sinon, un oncle emprisonné, Georges Ibrahim Abdallah, terroriste libanais. Un mariage avec un jeune penseur attrayant, Mehdi Belhaj Kacem, dit MBK. Hôtesse de bar, tentatives de suicide, puis l’entrée en écriture. Deux romans très autobio. Du talent, des préciosités, mais une voix forte, particulière. Un pseudo qui est le seul nom qu’elle revendique: Chloé Delaume. Et la reconnaissance qui déboule. Prix décembre, 200 000 francs (30 500 euros) raflés au nez et à l’absence de barbe de son ex MBK et de sa réflexion sur la passion amoureuse.
Un bar d'hôtel face à sa maison d'édition où elle vient d'entrer comme directrice littéraire. Ongles griffus et soignés, élégance stylée et chargée, fourrure et jeans. Coupe au carré, visage entre parenthèses ébène, allure un peu Mata Hari au fumoir, un peu Chihuahua Pearl de beuglant. Elle fume beaucoup, ne tremble qu'imperceptiblement. Elle est précise et drôle, lucide et bavarde, pas douloureuse pour un sou. Sentiment qu'elle n'a plus peur de grand-chose, qu'elle sait opposer aux violences subies, des violences encore plus fortes. Qu'elle ne craint pas d'être dans la rancune, dans la vengeance, dans le meurtre symbolique. Même si parfois, le sol se fissure sous ses talons hauts, la tourbe engloutit l'édifice patiemment replâtré. Impression d'avoir affaire à un personnage à la Boris Cyrulnik, une