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L'errant de la Baltique

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L'histoire agitée du « Yiddishland» de 1860 à 1941 par l'historien Simon Doubnov, grand théoricien du Bund.
publié le 17 janvier 2002 à 21h42

Il était une fois un pays où vivait la majeure part de la population juive. Le Yiddishland (1) ­ c'est ainsi qu'on pourrait nommer ce pays sans Constitution et sans Etat mais avec une langue, le yiddish ­ se situait dans l'Europe de l'Est, débordant les limites de l'empire russe jusqu'en Autriche-Hongrie.

Au XIXe siècle, la population de ce Yiddishland, jusque-là très religieuse, connaît une grande transformation. Les jeunes lisent moins la Bible et le Talmud pour se tourner vers les écrivains russes (notamment Tolstoï, leur contemporain) ou européens (Hugo, Spinoza et Shakespeare). Ils s'ouvrent au monde. Certains s'assimilent aux nations environnantes. D'autres, inspirés par le réveil des nationalités, qui marque ce XIXe siècle, ont le sentiment d'appartenir à une nation à part entière, au sens moderne du terme, la nation juive.

Politiquement, ce sentiment s'exprime de différentes manières: le sionisme, la doctrine qui prône une installation en Palestine, la terre d'origine du judaïsme, pour y fonder un Etat, est encore concurrencée par le bundisme et l'autonomisme. Le bundisme socialiste revendique l'émancipation sociale et culturelle des ouvriers de langue yiddish, compte ses adeptes par dizaines de milliers et prend une large part dans la diffusion des idées marxistes en Russie et en Pologne. L'autonomisme, proche du bundisme sur les questions culturelles, refuse de scinder le peuple juif en bourgeoisie et prolétariat et lui propose de conquérir ses droits spécifiques dan