Depuis quelques jours, un nouveau type d'individu hante le métro. Sous le bras, il a un livre bleu (qu'il ne lit pas, d'ailleurs il ne lit jamais sous terre). Quand la rame entre en station , il recule d'un pas pour éviter de se tuer. Une fois dedans, il observe tout, comme s'il pouvait chercher là, entre strapontin et loup, une explication qu'il ne trouve pas. Il déchiffre, avec une sympathie mélancolique et une insistante discrétion, les visages des passagers. Si vous lui demandez ce qu'il débusque, il vous répond: «Moi-même, dans le tunnel.» C'est un lecteur de ce livre inclassable, l'autoportrait underground de Georges-Noël Jeandrieu.
Georges-Noël Jeandrieu a été séminariste jusqu'à 25 ans. Puis il a fait de la philosophie et écrit cinq romans. Depuis trente ans, il prend le métro tous les jours pour rejoindre son bureau de psychologue. C'est un usager, fait de tous les usagers, et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui. Le métro est «un lieu de réflexion plus inspirant qu'un amphithéâtre de faculté ou de grande école», ce qui n'est pas difficile. C'est aussi «un révélateur, peu banal, de la santé mentale des gens qui l'utilisent». C'est enfin le cercueil des illusions: chacun peut y comprendre que «personne ne sait ce qu'il vaut». Jeandrieu l'ignore autant que les autres. Le métro est la métaphore du livre où il cherche à comprendre et se comprendre en nous prenant par la main, comme un ami. Il y pêche au vif la condition humaine en approfondissant ce qui mène le mo