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Libération
Interview

Touche écossaise.

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Une prose égalitaire où les dialogues se fondent avec l'agitation intérieure.Rencontre avec James Kelman, pape rebelle de la nouvelle littérature écossaise.
publié le 17 janvier 2002 à 21h42

C'est l'histoire d'un type qui tombe sur deux tuyaux en allant pisser derrière le centre culturel où il est en train de boire, au bar, avec ses collègues. Deux vieux tuyaux sublimes, qu'il emporte chez lui afin d'en faire des instruments de musique, alors qu'il serait plutôt tenté par la peinture. Patrick Doyle est professeur. Une semaine plus tard, à la fin du livre, il sera encore question de miction: «Il devait y avoir un rapport entre ça et les choses d'importance phénoménale. Evidemment il y en avait un. Mais il entrait peut-être dans des états d'imagination hallucinatoire causés par un dysfonctionnement urinaire. ça expliquerait les tuyaux, putain. S'il attendait trop longtemps pour pisser.» Il n'y a aucun rapport. La vie se passe à penser des tas de choses qu'on oublie dans la seconde.

Patrick Doyle, 29 ans, veut démissionner de l'enseignement «pour jouer du tuyau». Il a une voiture dont la portière, côté passager, est à manier avec précaution. Patrick aime bien raconter que l'ouvrier ajusteur est resté coincé dedans, tellement elle grince. Patrick se fait souvent du cinéma. Il a tendance à prendre de fermes décisions résolument éphémères, à verrouiller la porte de la salle de bains alors qu'il vit seul, à se demander s'il est raisonnable de réfléchir à la manière dont on respire. Les effets désastreux de l'alcool sur le cerveau, et de l'huile de friture sur les coronaires, encore un sujet qui l'intéresse. Chez lui, il n'a pas de réfrigérateur, il y réfléchit aussi. Il