Comme son collègue Joe Matt (voir Libération du 16 novembre 2001), Chester Brown est un Canadien publié par Drawn & Quarterly qui raconte sa vie et qui avoue un faible pour la masturbation, ces deux derniers traits le rapprochant également de Jean-Jacques Rousseau. Mais, contrairement à Joe Matt et à Rousseau, Chester Brown se limite au récit de son enfance et de son adolescence, tout au moins dans ces deux volumes parus en 1991 et 1992 et qui font de lui une référence absolue pour de nombreux bédéastes nord-américains. Le Playboy décrit la chorégraphie éthique de Chester autour du magazine de fesses du même nom: achat, utilisation, honte, dégoût. Chaque moi, il jette l'objet de sa convoitise dans un champ, mais retourne généralement la semaine suivante y récupérer la playmate, pour usage postérieur.
Cette initiation sexuelle ne va pas sans au moins deux découvertes fondamentales: d'une part qu'il est «à certains égards (...) raciste» (une playmate noire le dégoûte) et qu'il aime mieux se «masturber que de faire l'amour». Moins hard, Je ne t'ai jamais aimé prend notre héros entre deux filles: Sky, qu'il aime et qui l'aime, mais au point qu'il en est paralysé de frousse, et Carrie, une amoureuse qui l'indiffère mais avec qui il adore faire la vaisselle. Le thème de la mort de la mère, déjà évoqué dans le Playboy, prend en outre ici des résonances plus profondes. On apprend aussi que Chester n'est pas très «populaire» dans son lycée: issu d'une famille très chrétienne, il refus