Malgré son presque jeune âge, Chris Ware est aujourd¹hui le plus grand et ce, pour deux raisons: 1) il a inventé un univers graphique unique et immédiatement reconnaissable, qui repose sur une «réduction» de l¹image à un symbole et sur un important travail sur le rythme; 2) sous leur apparent simplisme, ses récits opèrent à vif une critique de la condition moderne. Longtemps, on ne l¹a connu qu¹à travers l¹Acme Novelty Library, une revue aux formats variables et délirants, peuplée de personnages déphasés, mélancoliques ou pervers indigents: Quimby the Mouse, Jimmy Corrigan, Rusty Brown. L¹année dernière, il en a extrait l¹album Jimmy Corrigan, the Smartest Kid on Earth, histoire semi-autobiographique de sa relation à un père qui l¹a abandonné. L¹album a reçu en son pays un des deux prix BD importants et surtout le prestigieux First Book Award du Guardian, prix britannique traditionnellement réservé aux romans. Ware décrit son Jimmy (cela vaudrait aussi pour Rusty Brown) comme «un adulte qui n¹a jamais vraiment grandi. Il est paralysé par son incapacité à décider ou à agir, et par la peur de déplaire». Le fantôme du ratage rôde de même à la lisière de l¹activité créatrice de Ware. En tête d¹un numéro de l¹Acme Novelty Library, on peut ainsi lire que «la fraîcheur des premiers numéros laissera la place à la sinistre régularité de la perte d¹inspiration». Conséquemment, Ware est le plus fabuleux des bons réactionnaires: il adore pasticher les lettrages et la phraséologie 1900,
Critique
Chris Ware
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par Eric Loret
publié le 24 janvier 2002 à 21h52
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