Jusqu'à ces derniers temps, les lecteurs, même assidus, des aventures de Tintin et Milou ignoraient tout de l'extraordinaire profusion graphique au milieu de laquelle était née et avait prospéré l'oeuvre d'Hergé. L'idée d'une sorte de catalogue raisonné de cette ample matière, ayant en quelque sorte servi d'écrin à la vingtaine d'albums aujourd'hui considérés comme une référence culturelle du XXe siècle, était donc la bienvenue.
Le premier volume nous avait fait découvrir les balbutiements du talent de Georges Remi, ses premiers dessins de boy-scout dévoué à sa cause, et nous laissait, à l'orée des années 30, sur le seuil de l'oeuvre proprement dite. Ce second volet, orné d'une somptueuse illustration à la gouache pour le Lotus bleu, franchit le cap. Le génie hergéen explose littéralement sous nos yeux. Les planches de Tintin en Amérique ont certes encore un peu la raideur du modèle américain (MacMannus, auteur de la Famille Illico), mais le dessin pétarade et s'envole au fil de gags échevelés qui sont la marque de la première manière de l'auteur. Celui-ci, nourri de films muets plutôt que de littérature, fait référence à l'actualité les gansters de Chicago mais sans autre souci que de faire rire les jeunes lecteurs du Petit vingtième. En contrepoint, les malicieux Quick et Flupke, gamins de Marolles, poursuivant leur interminable sitcom surréaliste belge, servant de base expérimentale au vrai vecteur du succès d'Hergé.
La manière est habile: l'artiste procède à trois nive