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Libération
Critique

Amantes anglaises.

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Amours saphiques dans le Londres victorien au coeur du West End et de sa faune.
publié le 31 janvier 2002 à 21h52

Lorsque, en octobre 1928, la frêle et plutôt glaçante Virginia Woolf, flanquée de l'inévitable Vita Sackville-West, fit lecture aux étudiantes du Girton College de Cambridge du texte d'Une chambre à soi, son auditoire subjugué en décrypta sans mal le puissant message. D'autant qu'au même moment, à Londres, la romancière Radclyffe Hall comparaissait en justice pour outrage à la morale. L'objet du litige, son roman le Puits de solitude, décrivait avec une complaisance faussement victorienne dans la forme les tourments d'une lesbienne afublée d'un

nom d'homme, Stephen Gordon, ce qui ne s'était encore jamais vu, en tout cas pas de façon aussi «consternante», aux dires des bonnes âmes. Mais pour Woolf, le moment était venu d'appeler un chat un chat et d'expliquer posément à certains cuistres sourds et aveugles que le roman féminin était parfois féministe, et qu'il pouvait même à l'occasion traiter de l'amour d'une femme pour une autre. Ainsi le Villette de Charlotte Brontë, ou Romola de George Eliot, sans parler des poèmes d'Emily Dickinson. La chère Virginia ignorait, et pour cause, ce que les récentes recherches de Janet Todd, de l'université de Glasgow, concernant la pionnière du féminisme Mary Wollstonecraft, viennent de mettre au jour. La mère de Mary Shelley, l'une des intellectuelles les plus brillantes du XVIIIe siècle anglais, entretint une durable liaison homosexuelle avec une de ses collègues enseignantes, Fanny Blood, ce dont témoigne une abondante correspondance retro