En France, la Première Guerre mondiale laisse derrière elle 1 300 000 morts au combat, et 600 000 veuves et 1 100 000 orphelins (soit en 1929 1, 8 % de la population); aussi Olivier Faron souligne-t-il d'emblée que cette aveuglante visibilité numérique érige ces enfants en problème humain, économique et politique, qu'aucune guerre n'avait en ces termes-là posé.
La figure de l'orphelin du premier conflit mondial est modelée par une symbolique que l'historien s'applique à disséquer. Le traumatisme induit par la disparition de cette jeunesse fauchée dans les tranchées, n'est supportable que par une allégeance aux sacrifiés et une projection dans l'avenir. L'orphelin de guerre s'inscrit dans cette configuration; il n'est donc pensé que dans son rapport au père héroïque et à la patrie: il est à la fois la présence du mort et l'avenir de la Nation. Lourde charge qui pèse sur les épaules du petit endeuillé, atteint par un faisceau de devoirs dont la codification débute dès 1915 et se renforce dans l'après-guerre: visites aux cimetières, dépôt de gerbes aux monuments aux morts, et surtout cérémonie aux souvenirs du 11 novembre donnent à voir les orphelins qui participent à l'héroïsation des soldats. L'auteur montre l'effet de cette identification au père sacrificiel: le souvenir sans cesse ravivé, la présence au foyer de la photographie tutélaire du défunt empêchent le processus de deuil. L'identité de l'enfant se construit à partir de celle du père, cette assignation lui insuffle l'