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Libération
Critique

Butor dans le décor.

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Les textes de l'écrivain courent à travers des champs de couleurs et des buissons de dessins.
publié le 7 février 2002 à 22h05

Il tient bien en main, pas trop lourd mais d'une belle pondération. Ouvert, il se fend en deux, tout en évitant de s'étaler. Il conserve une jolie tournure et il faut le maintenir entre paume et pouce pour l'empêcher de se refermer incontinent. Car les trésors qu'il renferme, il ne veut pas prendre le risque de les abandonner au hasard d'un simple coup d'oeil négligent. Au chaud dans sa couverture à rabats, il dort d'ordinaire sur une étagère ou une table. Réveillé par une caresse des doigts, le grain souple de sa peau fine se laisser lisser sans offrir autre résistance que ses bordures franches aux angles résolument droits. Il s'appelle Michel Butor et sa couverture d'un blanc cassé est balafrée d'un bref trait rouge, un instant tenté par la diagonale. Au-dessus de son nom est portée une précision: quarante-trois artistes avec, en toutes lettres et en bas de casse. Dessous, de l'autre côté du roseau sanglant, encore ceci: Editions Comp'Act. Il ne sert à rien qu'à donner du plaisir à celui qui le possède. C'est un livre composé avec des morceaux de livres anciens. Les trésors qu'il garde en réserve sont ses 168 pages où les mots, les accents, les couleurs, les photographies, les dessins se donnent rendez-vous à chaque page. On appelle ça un livre d'artiste.

Sauf que celui-ci est un peu particulier. Son auteur est déjà un écrivain assez spécial. Il avait fait un tabac avec La Modification, publiée dans le grand tohu-bohu du nouveau roman. Et puis terminé. Butor enseigne à l'un