La Bonne Aventure est de ces romans qu'on dirait volontiers «à la française», tant il manifeste de nostalgie pour un genre de prose dont on ne jurerait pas, en vérité, qu'il a existé. Jacques Laurent serait le parrain un peu goguenard, et Françoise Sagan, la marraine adorée, des pratiquants de ce genre-là, enivrés de vitesse, de sagacité sentimentale, et peu enclins au réalisme. Ils travaillent peut-être beaucoup, allez savoir, ils écrivent pour faire croire le contraire. Certains voyageurs évitent de s'encombrer.
Dans cet univers-là, la psychologie a toujours des accointances avec «jamais». «Assez cupide comme le sont parfois les gens qui n'ont jamais eu à gagner leur argent», Malcy Tugar a ouvert un cabinet de voyance. Mariée depuis quinze ans à l'écrivain en panne Stéphane Tugar, 45 ans tous deux, Malcy n'a pas besoin de trente-six pages pour être alarmée, lors d'un dîner mondain: «Elle ne l'avait jamais vu monopoliser ainsi la conversation, au mépris de toute politesse.» Nous autres, lecteurs, sommes au courant. Stéphane est tombé amoureux juste avant le dîner, entarté de fraises par Lili qui ne l'a pas fait exprès. «La veste que portait cet homme était belle, d'une jolie couleur et bien coupée. Elle était navrée de l'avoir abîmée. La confusion lui allait à ravir.» Au championnat des phrases courtes, Malcy arrive en tête un peu plus tard: «Il la trompait. Elle en était presque sûre. Elle en était certaine.» Clémence de Biéville a mis le piège en place, vieux triangle, res