Dans un article qui a fait date, consacré aux différentes versions du Petit Chaperon rouge, Yvonne Verdier, une des plus brillantes anthropologues de sa génération (morte prématurément dans un accident d'auto), avait montré que, dans les versions orales du conte, ce n'était pas le loup qui constituait le danger principal pour la petite fille, mais plutôt la grand-mère... Ainsi, par le truchement du déplacement du loup à la grand-mère, le conte initie-t-il l'enfant à l'apprentissage de son identité de femme, chemin sur lequel les femmes qui se dévorent entre elles sont plus à redouter que la découverte de la sexualité!
Cette lecture originale à contre-pied de nombreuses autres interprétations, notamment celle de Bettelheim dans la Psychanalyse des contes de fées a fourni, de l'aveu des deux auteurs, le point de départ de ce livre-thèse qui jette un regard décapant sur les relations mères-filles. Une longue note de l'avant-propos rapproche d'ailleurs de manière très opportune l'interprétation d'Y. Verdier et celle des psychanalystes N. Abraham et M. Torok qui avaient analysé la phobie infantile du loup en référence implicite à la grand-mère: «cela par l'intermédiaire de la peur que la mère ressent, inconsciemment, devant sa propre mère. Peur que celle-ci ne la châtre en lui ravissant sa maternité» (in l'Ecorce et le noyau, Champs-Flammarion, 1987, p. 439). Au terme de la longue et passionnante enquête de la psychanalyste et de la sociologue menée à partir de cas empruntés à