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Libération
Interview

La gueule du Yorkshire

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Britannique vivant à Tokyo, David Peace entame une tétralogie sur les sinistres secrets de sa région natale. Entretien.
publié le 7 février 2002 à 22h04

Tout commence comme tout finira, dans la confusion et la fureur. Un jour de décembre 1974, dans le Yorkshire, une fillette est retrouvée étranglée, des ailes de cygne cousues aux omoplates, l'inscription «4 Luv» (For love) écrite quatre fois, à la lame de rasoir, sur la poitrine. Edward Dunford, un journaliste en mal de reconnaissance, fait le rapprochement avec d'autres cas de gamines disparues, mais son rédacteur en chef comme la police refusent de lier ces affaires. Très vite, la pression tourne à l'intimidation physique, un collègue de Dunford meurt dans un étrange d'accident de voiture, des informateurs douteux suggèrent un bourbier politico-sexuel. 1974 est le premier roman de David Peace, qui entame là le Red Riding Quartet, une tétralogie sur le Yorkshire où il est né en 1967, et parions qu'il fera date.

Ecrit à la première personne, 1974 est comme branché en direct sur le cerveau de Dunford, parano cyclothymique porté sur la bouteille et les amphéts qui s'improvise chevalier d'une juste cause largement hors de sa portée. «Messager de la souffrance» dans un monde gangrené par la corruption, le racisme, les affaires de moeurs, la cruauté et la lâcheté généralisés, il est lui-même abonné aux méthodes expéditives et à la dérobade sentimentale. De toute façon, hormis les enfants morts qui hantent Dunford du haut des buffets-mausolées de leurs parents, aucun personnage n'est assez intact moralement pour sauver l'autre.

D'extraits de dialogues lapidaires en rafales d'insulte