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Libération
Critique

Le plein d'essence.

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A l'écart des conventions, l'exercice autobiographique d'Hubert Lucot mélange présent et passé, individuel et collectif.
publié le 7 février 2002 à 22h05

«Je crois que je ne suis pas fait pour faire des livres, je suis fait pour écrire», a dit Hubert Lucot. Depuis quarante ans, il rédige son «journal», des milliers de feuillets qui ont nourri une oeuvre importante (1): Autobiogre d'A.M. 75, Phanées les nuées, et surtout le Grand graphe qui a ouvert un espace d'écriture débordant le livre. Lucot cherche la forme à l'écart des conventions; aussi ses livres hors normes ont-ils été parfois qualifiés de difficiles. Frasques contredit ce jugement. Lucot n'a rien renié mais a acquis une maîtrise qui fait de ce livre un objet parfait et serein.

Frasques est une autobiographie qui vise à cerner ce qui est généralement tu dans ce type d'entreprise. «Je m'intéresse, écrit-il, à l'être aux confins du non-être comme on étudie l'aphasie pour plonger par cette faille, dans la nature profonde du langage». Ce sont les «souvenirs sans acuité», les «images plates» qui intéressent Lucot. Toute cette mémoire faite d'intensités, de blocs de sensations, de leitmotivs énigmatiques, d'objets qui organisent ici à la limite du conscient et de l'inconscient les quatorze chapitres du récit. Sa «question n'est pas Qu'est-ce qui fut? mais Qu'EST ce qui fut?». Depuis Tahiti, New York, Tokyo ou l'Aquitaine, l'écrivain en villégiature reconstruit le damier de son existence.

Frasques participe de la chronique familiale, de la généalogie. L'enfance avec la grand-mère qui lui découpe des puzzles, la khâgne, le sanatorium. Evocation des amis, des destins croisés co