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Libération
Critique

Les dépossédés.

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Sur fond de la partition de l'Inde et du Pakistan, un roman diasporique où les déchirements intimes se calquent sur ceux de l'Histoire .
publié le 7 février 2002 à 22h05

«Et voici que, après la noce, le jour est venu d'aller faire des photos de mariage dans un studio. Roop et Satya sont toutes deux en tenue de mariée... Le photographe... prie Sardarji de s'installer derrière le canapé. Une lumière jaillit et les fige sur papier pour le cadre d'argent qui trônera sur le bureau de Sardarji. Cette photographie n'en remplacera pas une autre: aucun appareil photo n'a immortalisé le mariage de Sardarji avec Satya. Satya pourra-t-elle même prouver qu'elle a été mariée à lui avant Roop?» La photo, prise au studio de l'Impératrice d'Inde à Rawalpindi en 1937, fixe le destin des deux femmes: la première et la deuxième épouses, enchaînées désormais l'une à l'autre. Elle fixe aussi l'image d'un monde finissant, les dernières années du Raj britannique.

On pourrait dire que la Mémoire du corps, écrit par Shuna Singh Baldwin, une jeune Indienne qui vit aujourd'hui aux Etats-Unis, est un roman historique qui relate la partition de l'Inde et du Pakistan, du point de vue d'une famille sikhe du Penjab. Il raconte comment hindous, musulmans et sikhs vivaient à Pari Darvaza (la Porte des Fées), dans ce qui est décrit comme une sorte d'Eden multiculturel. Les venelles du bazar sentent la cannelle, l'anis et le fenouil, les petites filles sikhes et musulmanes jouent ensemble aux osselets (mais ne boivent pas à la même cruche), les garçons montent à cru au milieu des abricotiers et des amandiers, et tous ­ maîtres et serviteurs fraternellement réunis ­ se retrouvent