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Libération
Critique

Eclats d' Héraclite.

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De son oeuvre, on ne sait rien, et, de lui, pas grand-chose. Pourtant, la lumière des éclats laissés par l'ermite d'Ephèse continue d'éclairer la philosophie. Une édition en poche des «Fragments».
publié le 21 février 2002 à 22h21

Sans fermer les yeux, que l'on songe, comme proposait Lichtenberg, à un couteau sans manche ni lame. On aura une idée de ce que peut être l'«oeuvre d'Héraclite». De l'oeuvre, on n'a rien ou presque, de l'homme on ne sait presque rien. Mais à mettre ensemble tous les livres qui, depuis plus de deux mille cinq cents ans, ont été consacrés à la pensée de celui qu'on nommait l'Obscur, on ferait la pyramide de Khéops! Et à simplement parler en proverbes ou maximes, chacun finirait par le citer: «tout s'écoule» et tout s'en va, ma mie, et l'«on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve»!

On ignore quand Héraclite, au juste, a pu naître: c'était à Ephèse, une colonie ionienne d'Asie mineure, sur les côtes de Lydie, entre Colophon et Milet, vers 540 ou 520 avant Jésus-Christ. Diogène Laërce (1) rapporte qu'il atteignit son akmé, sa «maturité», «pendant la soixante-neuvième Olympiade». Il était d'origine aristocratique, d'une lignée sacerdotale ou royale. Fils de Bloson ou, selon certains, d'Héracôn, il avait droit, comme probable descendant d'Androclès, le fondateur mythique d'Ephèse, au titre honorifique de «roi» et pouvait présider les mystères de Déméter. Selon le témoignage incertain de l'aristotélicien Thémistius, il aurait aidé ses concitoyens à résister aux Perses lors du siège de sa ville. Mais son existence, à en croire la légende, il la mena à l'écart de tous. Il se retira d'abord dans le temple d'Artémis, où il passait son temps à jouer aux osselets avec des enfant