Pourquoi la philosophie est-elle toujours dans l'obligation de revenir à ses «origines»?Lorsqu'on lit Platon ou Aristote, que l'on regarde comment ils évoquent leurs prédécesseurs, on se rend compte qu'il s'agit de bien autre chose pour eux que de célébrer une naissance ou de rendre hommage au talent des fondateurs. Ce que les philosophes anciens cherchent chez leurs précurseurs, c'est la confirmation, plutôt, de l'importance des questions auxquelles ils s'attachent eux-mêmes. Solliciter l'autorité des «premiers» savants, c'est pour eux produire la preuve que les questions qui les occupent ne sont pas nouvelles, qu'elles sont bien les questions qui mobilisent toute réflexion rationnelle. Tous les philosophes dignes de ce nom montrent ce souci obstiné de répéter de mêmes questions, de partager les inquiétudes d'une pensée qui n'est jamais réductible à telle doctrine ou à telle oeuvre. Pour les auteurs anciens, les noms des auteurs présocratiques étaient déjà, en quelque sorte, des noms communs: des noms auxquels étaient attachées des difficultés ou des thèses que la philosophie ne devait cesser de répéter ou de revoir. Le nom d'Héraclite, en la matière, a toujours été attaché à la thèse «mobiliste» qui affirme que toutes choses sont en changement perpétuel, puis à la thèse de la coïncidence ou de l'unité des contraires. Il y a là deux difficultés, proprement constitutives de la tradition philosophique. Pour un auteur ancien qui entendait philosopher, il était nécessaire de se
Interview
« Le charme d'une injonction ».
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par Robert Maggiori
publié le 21 février 2002 à 22h21
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